Dans un récent article du magazine Challenges, André Comte-Sponville, philosophe connu et reconnu, écrit qu’il ne faut pas faire la leçon aux salariés qui préféreraient ne pas travailler au nom de la « prétendue valeur travail ». Voilà un raccourci un peu rapide qui manifeste une certaine confusion sur le sens de cette valeur et qui mérite une clarification.
Le travail représente une valeur en soi pour une grande partie des Français, en témoignent les enquêtes régulières effectuées depuis 1990 qui observent à chaque fois que le travail occupe une place très importante pour plus de 60% des personnes enquêtées, en haut de l’échelle des valeurs, juste derrière la famille. Et les indemnités chômage ne compensent pas le drame vécu par les salariés qui voient leurs postes supprimés à la suite de difficutés économiques ou de changement de stratégie, signe qu’une valeur a bel et bien été touchée. Comment nier que le travail demeure un puissant moyen d’intégration sociale et à contrario que l’absence de travail puisse être facteur de désintégration ?
Alors doit-on voir dans le travail une valeur morale ? Bien sûr que oui. D’abord à l’école, obligatoire depuis Jules Ferry, où les parents envoient leurs enfants en leur demandant le soir s’ils ont bien travaillé. L’école, premier lieu d’apprentissage, de construction de soi et de confrontation avec la nécessité de fournir un effort. Le travail à l’âge adulte répond au besoin de gagner sa vie. Il permet aussi à la personne de poursuivre son développement au cours de son évolution professionnelle et finalement de s’améliorer, comme le dit le philosophe Emmanuel Kant qui écrit dans ses Réflexions sur l’éducation (1803) que « l’homme est le seul animal qui doit travailler ».
Enfin, autre aspet de la valeur morale du travail, la personne qui a perdu son travail reçoit pendant un certain temps une allocation chômage financée par les cotisations prélevées sur les salaires qui porte le nom explicite d’aide au retour à l’emploi. On attend bien d’elle qu’elle retrouve un emploi le plus rapidement possible et c’est là qu’on entend trop souvent les leçons de morale faites aux personnes au chômage à qui l’on reproche d’être assistées. Il faut rappeler ici que l’immense majorité d’entre elles n’ont pas choisi d’être au chômage. Et si le chômage de longue durée touche plus de deux millons de personnes, les employeurs ont aussi leur part de responsabilité. Mais c’est un autre sujet…