Christophe Dejours est psychiatre et professeur au Conservatoire national des arts et métiers. Interrogé par un journaliste de Libération sur son dernier ouvrage paru aux éditions Bayard, l’auteur de « Souffrance en France » donne un exemple assez peu réjouissant qui pourrait faire douter de son titre : « Souffrir n’est pas une fatalité »,

Voici un extrait de l’interview :

« Dans un centre d’appels d’une entreprise privatisée, un salarié s’est suicidé, un autre a fait un arrêt cardiaque sur son lieu de travail. On y voit comment une direction fabrique la soumission de ses salariés sans jamais user de violence. Elle organise, à l’aide d’animateurs commerciaux, des challenges. Celui qui a fait le plus grand nombre de vente en un temps limité peut jouer avec un hélicoptère miniature pendant que ses collègues travaillent. pour le challenge du « plus beau bébé », chacun ramène une photo d’enfance et un classement est établi par vote. la famille est parfois invité à assister à ces jeux. Les challenges entraînent les salariés dans une spirale d’engagement envers la stratégie de l’entreprise : après s’être prêté à ces jeux ridicules devant témoins, impossible de reculer, de contester. Si les salariés s’engagent dans ces activités puériles, c’est qu’on leur donne la possibilité de régresser. Or, « un enfant n’est pas responsable » de tromper le client ou de ne pas avoir vu que le collègue allait si mal avant son suicide. »