Souffrance au travail : un DRH témoigne

Sur France Culture, le 13 septembre, Jacky Lhoumeau, ex-DRH d'une entreprise multinationale française, présentait son livre : D comme DRH et Dépressif, aux Editions Tatamis. Voici quelques passages de son témoignage :

" La financiarisation de l'économie dicte les politiques d'entreprise et la standardisation des modes de management fait la part belle aux systèmes, aux règles, aux procédures et minimise très largement la part de l'homme dans les organisations de travail. (...) La dégradation de la relation humaine que j'ai pu constater, le fait que les dirigeants ne soient plus capables de faire face aux décisions difficiles de l'entreprise, de parler clairement et franchement à leurs salariés, l'hypocrisie qui s'installe insidieusement comme mode de management de la vie de tous les jours, les passe-droits, le manque d'éthique, ont été des éléments qui m'ont profondément bouleversé, qui m'ont marqué dans mon esprit, et qui ont fait que ce monde ne me correspondait plus."

Extraits de son livre :

"Je suis en arrêt de travail depuis de longs mois et ma vie professionnelle n'est plus qu'un souvenir.

Dépressif ! Je suis dépressif ! Moi qui me croyais fort comme un roc, inatteignable ! Comment ai-je pu en arriver là ?...

Je suis fier d’avoir décroché ce nouveau contrat de travail auprès d’une florissante entreprise du secteur de la santé, de la beauté et des bio-activités. J’obtiens de haute lutte le poste de Directeur de Ressources Humaines de l’établissement normand de ce groupe en fort développement. Une véritable consécration cette opportunité : la reconnaissance de ma valeur et de mes compétences. Je n’ai plus de doute et je visse maintenant ma vie sur des certitudes. Je suis bon puisqu’on me dit que je suis bon… Une situation sociale en vue, une rémunération confortable, une sécurité en terme d’emploi, des perspectives d’évolution, une large autonomie dans la conduite de mes missions, des moyens… Bref, tout ce à quoi j’aspirais à l’aube de mes trente-six ans. Quatre ans plus tard, je prenais la responsabilité des ressources humaines d’une usine de chimie pharmaceutique du groupe, promise à un développement soutenu grâce à un plan d’investissement majeur. En 2001, j’atteignis une forme de consécration avec la remise d’un prix national récompensant une démarche de recrutement et de formation originale, l’opération « Quadras », que j’avais imaginée et initiée avec succès dans mon usine. Je fus promu à Paris ; mais là, c’est une autre histoire qui allait commencer pour moi, un tournant et peut être le début d’une lente et inexorable descente vers ce qui allait sonner le glas de ma « carrière ».…

2002, « annus horribilis ! » Et pourtant, tout avait si bien commencé… Depuis aussi loin que je me souvienne, l’orgueil et l’ambition avaient été pour moi de puissants moteurs que je n’avais cessé d’alimenter en énergie et que j’entretenais avec grand soin ! Et gare à celles et ceux qui se seraient mis en travers de ce « chemin de lumière » que je me traçais. Réussir était le maître mot de mon leitmotiv ; réussir mes examens, réussir mon service militaire, réussir mon mariage - je parle ici de la cérémonie, ce qui est vu par les autres, et non de l’amour pour l’autre - réussir ma vie professionnelle, avoir une belle maison, un statut privilégié, un rang social, être reconnu et surtout, surtout, gagner de l’argent ! Ainsi mes parents, ma famille, seraient fiers de moi. Mes amis, mes voisins, mes collègues, m’envieraient. Je susciterais l’admiration et l’inévitable jalousie ! Ma carrière avait toujours été placée au-dessus de toute autre considération, mais depuis quelques années maintenant, je doutais. Je doutais du bien-fondé de mes choix et je commençais à exprimer des remords, des regrets, des manques, et à ressentir une sorte de vacuité comme si j’avais complètement oublié depuis toutes ces décennies, de remplir les tiroirs de mon cœur.

...

Je perdis le sommeil et mes nuits se peuplèrent de rêves étranges, de cauchemars et de chimères. Je sentais que malgré d’incessantes tentatives pour remonter la pente, je perdais pied professionnellement. Le regard de mes hiérarchiques se durcissait et l’angoisse envahissait désormais ma vie. Je faisais toujours le même songe : j’étais dans un tunnel de pierre, je courais et je n’en voyais jamais le bout, avec une question lancinante, comment m’en sortir ? Mon obstination à refuser d’admettre que ces environnements de travail ne me convenaient pas malgré les ponts d’or, la peur d’être professionnellement déchu, la mort de mon père, la détresse de ma mère, et dans une moindre mesure celle de mon frère, le poids des traditions familiales, la séparation d’avec ma femme, l’éloignement de ma fille unique, furent autant de blessures que la vie m’infligea. Mon « chemin de croix » allait continuer dans un monde nouveau qui paraissait être un jardin d’Eden mais qui allait se révéler une jungle dangereuse. Derrière des sourires de circonstances, j’allais découvrir une hypocrisie poussée à son paroxysme, la veulerie comme mode de management, l’absence d’amour propre, le manque de courage, la bassesse et l’étroitesse d’esprit.

Le directeur général de la Recherche avait la réputation d’être un homme tyrannique à l’ambition démesurée. Souvent, je m’interrogeais, comment de tels hommes, aussi éloignés des idéaux qui avaient sous-tendu les principes et les valeurs de notre belle « maison », avaient pu se tailler des carrières aussi exceptionnelles ? Les sentinelles n’avaient visiblement pas fait leur boulot !"



Les contrats de génération à la peine

L'article d'Anne Rodier dans l'édition du Monde du 24 septembre illustre bien le décalage entre les schémas intellectuels des pouvoirs publics et le fonctionnement des entreprises sur le terrain.

Destinés à soutenir à la fois le recrutement des jeunes et le maintien dans l'emploi des seniors, les contrats de génération ont été utilisés pour seulement 10624 recrutements au 13 septembre  alors que l'objectif affiché est de 75000 contrats pour 2013.

L'aide de 4000 € par contrat est réservée aux PME de moins de 300 personnes mais les grandes entreprises doivent également parvenir à un accord ou un plan d'action si elles ne veulent pas avoir à payer une pénalité qui peut aller jusqu'à 1% de leur masse salariale.

Dans la réalité, plutôt que de faire un nouvel accord, elles reprennent ce qui existe déjà dans les accords actuellement en vigueur, c'est à dire les plans seniors, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou les plans jeunes.

Résultat des courses dans trois mois.


Les rapports avec l'autre

Extrait de Etre heureux au travail de Yannick Bonnet, Presses de la Renaissance, 2006

"L'homme et le travail réagissent l'un sur l'autre. la matière même du travail oblige l'homme à apprendre, à observer, à corriger ses erreurs, à se perfectionner. Ce faisant, il progresse, développe sa personnalité et peu à peu façonne lui-même le travail, change la technique, invente un outil ou une méthode, parvient au stade de la création, devient capable d'une œuvre et peut-être d'un chef d'œuvre.

Mais le travail se réduit rarement à ce duo avec l'homme travailleur solitaire. (…) La majorité des situations de travail est caractérisée par le contact, le dialogue, l'échange, la relation humaine.

Le travail est facteur de vie sociale

Plaçons-nous dans le cas le plus fréquent dans le monde du travail au sein d'une organisation. La découverte qu'on y fera est celle des relations d'équipier à équipier, c'est à dire de ceux qui concourent, qui coopèrent à la satisfaction du client. (…) Quel handicap, dans le monde moderne, d'être incapable de travailler ne serait-ce qu'à deux ! A l'inverse, chacun percevra si son éducation, son histoire personnelle n'ont pas bloqué ses facultés relationnelles, la  richesse de la complémentarité des talents, des formes d'intelligence, des capacités de vitesse ou de résistance, de la rigueur des uns avec la créativité des autres. En fait, la seule vraie question posée par la différence, génératrice évidente de progrès pour tous, est justement l'acceptation… de la différence, qui est manifestement perçue comme choquante, irritante, déstabilisante par certains.

La nécessité des objectifs communs et surtout de leur fixation est facilitée par l'économie de marché et de concurrence généralisée.Car, en dernier ressort, c'est le client ou le concurrent qui, d'une certaine manière, conduit l'entreprise. Toutefois il ne s'agit pas d'une détermination absolue et, la plupart du temps, l'organisation garde une marge de manoeuvre.  De ce fait, il est toujours préférable que les objectifs n'apparaissent jamais comme arbitraires. (…) Pour être efficace, l'équipe devra  avoir compris, sans équivoque ni imprécision, non seulement le "quoi ?" mais aussi le "pourquoi ?" et le "pour quoi ?". Et puis suivront le "pour qui ?", le "quand ?" avant qu'on se soit seulement posé la question du "comment ?". Dans un monde plus complexe, nécessitant adaptabilité permanente et rapide, la coopération dans le travail est vitale pour tenir les délais, assurer la qualité et améliorer la productivité : la communication n'est plus un luxe, elle est devenue une exigence.

Dans la relation de subordonné à chef, tout le monde sait bien que celui qui n'a jamais su obéir ne saura jamais commander. L'obéissance concerne la personne humaine c'est à dire un être doué de libre arbitre. L'obéissance ne peut, si elle est humainement bien comprise et bien demandée, contredire le besoin vital de liberté. Car si elle est consentement libre de la volonté, elle ne signifie pas pour autant consensus "béni oui-oui.
La véritable obéissance consiste, quand on estime que le chef est en train de prendre une mauvaise voie, à tout faire pour l'éclairer par une argumentation bien structurée; si malgré les avis du subordonné, le chef persiste, alors il faut ou se soumettre et exécuter loyalement la mission ou se démettre, c'est à dire donner sa démission. Une solution intermédiaire : se soumettre et demander à être muté."


Evaluation des performances : attention aux effets pervers

Ecouter l'interview de Christophe Dejours, psychiatre, professeur au CNAM
et spécialiste des problème de santé au travail.

Interrogé vendredi 23 décembre par Antoine Mercier sur France Culture dans le cadre d'une cisco 700-501 série d'entretiens sur la crise et nous, Christophe Dejours dénonce "l'exaltation des performances individuelles" et décrit  certaines manifestations actuelles de ce qu'on appelle les risques psychosociaux.

En voici quelques extraits :
"Notre analyse sur les effets dévastateurs de l'évaluation individualisée des performances était juste.
Non pas qu'il faille la supprimer complètement, parce que c'est important, les gens la demandent, ils la souhaitent, c'est une façon de témoigner du travail, dans le meilleur des cas une reconnaissance du service rendu, mais il s'agit de ne pas tout mettre sur l'évaluation notamment sur l'aspect quantitatif et mesuré du travail parce ce qu'on évalue dans le meilleur des cas ce n'est pas le travail, c'est le résultat du travail.

Le travail n'est pas seulement un rapport individuel avec une tâche; la plupart d'entre nous, nous travaillons pour quelqu'un, un patron un chef, un chef travaille pour ses subordonnés, nous travaillons pour les collègues, et nous travaillons aussi pour des clients, et c'est une forme de coopération très particulière  car il y a beaucoup de services où ce service n'est efficace que si on réussit à créer une coopération entre l'usager le client et celui qui prescrit ou qui donne le service de telle sorte que le grand problème c'est  la coopération. Est-ce que nous sommes en mesure d'inventer de nouveaux dispositifs pour évaluer, au sens noble du terme, c'est à dire accorder sa valeur à ce qui relève du travail collectif et de la coopération.
Ca change le regard que les gens ont sur le travail, ça les amène à prendre en considération le rapport qu'ils ont avec les autres et non plus le considérer comme du temps perdu, du bavardage; en réalité les gens ont besoin de se rencontrer pour se parler, non seulement pour échanger sur leurs 640-893 dumps difficultés mais aussi parce que c'est là  que se transfèrent les vraies informations..."



SSII : “Gare à la presta” Un jeune ingénieur témoigne…

"J'ai passé trois ans en école d'ingénieur sans trop me préoccuper de « l'après » : comme de nombreux élèves, je pensais bénéficier d'un avenir facile rien que par l'obtention d'un diplôme. En sortant, au début de l'été 2008, la crise m'a frappé de plein fouet. Après neuf mois de recherche, je me suis résigné à un poste en « boîte de presta ».

Avec la crise, de nombreuses entreprises ont limité ou gelé les embauches. Les projets en cours doivent cependant être menés à bien, et lorsque la charge de travail se fait trop importante, les entreprises font appel à des sous-traitants : les sociétés d'ingénierie « prestataires de service », ou « boîtes de presta ».

Une « boîte de presta », c'est :

- Des consultants : des ingénieurs frais émoulus effectuant des missions de quelques mois, la plupart du temps chez et sous les ordres du client. Lorsqu'une mission s'achève et en attendant la suivante, ils se retrouvent en « intercontrat », période pendant laquelle ils végètent au siège social de la « boîte de presta »

- Des commerciaux : ils cherchent des missions pour les consultants, et ils écument les « cévéthèques » en ligne (Apec, Monster…) pour faire passer des entretiens en masse à de jeunes diplômés, l'unique but étant de faire grossir leurs bases de données. Lorsqu'une affaire juteuse avec un client se présente, ils traquent les jeunes qu'ils ont pu ainsi « profiler » pour les recruter

- Des directeurs : ils s'occupent de l'équilibre financier de la boîte et des sibyllines négociations salariales destinées à tromper les jeunes diplômés, par des calculs volontairement complexes, jonglant avec brut, net, frais, primes, cotisations, imposition et fausses promesses.

Je me suis donc retrouvé prestataire, en mission loin de chez moi, avec un double loyer à payer et une vie de couple amputée, et sans visibilité à court terme. J'étais payé 80 euros net par jour, les trois quarts de ce que j'aurais reçu si j'avais été embauché directement chez le client. Mais ma boîte m'avait « vendu » au client 400 euros par jour.

Les contrats passés avec ces sociétés sont des CDI, mais leur fonctionnement général demeure semblable à celui d'une boîte d'intérim. L'ingénieur « presta » est :

- faiblement rémunéré : une partie de ce salaire est d'ailleurs payée sous forme de remboursement de frais, ce qui diminue d'autant les cotisations sociales du consultant et les charges de la « boîte de presta ».

- précaire : son contrat est assorti d'une période d'essai de quatre mois renouvelable, et systématiquement renouvelée, permettant à la « boîte de presta » de se séparer facilement des prestas dont la première mission n'excède pas huit mois ;

- considéré comme un « étranger » chez le client, où il ne peut accéder à aucune responsabilité;

- soumis à une clause de non-concurrence : si le client souhaite embaucher le consultant, la « boîte de presta » peut l'en empêcher,

- soumis à une clause de mobilité : les « boîte de presta » imposent une clause de mobilité sur toute la France, et lorsqu'elles désirent « alléger leurs charges fixes », elles proposent aux « prestas » des missions éloignées, le refus d'une telle mission entraînant un licenciement sans indemnités

- privé de soutien syndical, par l'absence de contacts entre des prestataires se trouvant tous chez des clients différents : en période de vaches maigres, cela permet de pousser à la démission certains consultants par le bluff, l'intimidation ou la menace, sans être inquiété.


« La naïveté des jeunes ingénieurs maternés en école »

En contrepartie, selon les dires des commerciaux, une « boîte de presta » offre tout de même quelques avantages :

- une expérience variée, par des missions nombreuses et pluridisciplinaires permettant de diversifier ses connaissances,
- une montée rapide en compétence par un choix de mission en adéquation avec le profil et les envies ;
- une entreprise à taille humaine, où chacun est considéré comme un collaborateur, et non comme un simple numéro,
- un salaire initial faible mais la promesse d'une forte marge de progression après quelques années de puissante montée en compétences, et de changement régulier de « boîte ».

Aujourd'hui, j'ai 25 ans, et je suis toujours ingénieur junior dans une « boîte de presta » comme il y en a des milliers. Il serait injuste de faire porter l'entière responsabilité de la situation aux « boîtes de presta » : c'est avant tout la naïveté des jeunes ingénieurs maternés en école qui permet de maintenir à flot cette dynamique d'écornifleur.

Ces étudiants devraient s'informer sur les pratiques en cours et assurer leurs arrières face à des commerciaux et directeurs de « boîtes de presta » rompus à toutes les fourberies salariales et morales."



Un haut revenu, c'est combien ?

Dans une étude publiée en avril, l'INSEE qualifie de haut revenu les 10% de Français gagnant plus de 3000 euros par mois pour une personne seule (net mensuels ou 45000 brut annuel) ou plus de 6250 euros pour un couple avec deux enfants. Et les 1% qui gagnent plus de 7000 euros par mois pour une personne seule ou plus de 14700 euros par mois sont considérés comme ayant un très haut revenu.

En appliquant le barème de l'INSEE, si l'on se reporte à l'Argus des salaires des cadres, agents de maîtrise et techniciens en 2009 du Magazine Challenge, les salaires moyens évalués sont pour 80% d'entre eux des hauts revenus. Citons quelques exemples de hauts revenus les plus bas : un chef d'atelier dans le secteur agronome (45000 brut annuel), un documentaliste, un contrôleur de gestion PME dans la banque ou l'assurance (49500), un comptable dans le BTP (47000), un analyste programmeur dans la distribution, une secrétaire de direction dans l'informatique (47800) ou un webdesigner (45700), un gestionnaire administratif dans l''industrie métallurgique (48700), un technico-commercial dans les services ou encore un attaché de direction (46700).

 Quand aux juniors sortis d'une grande école d'ingénieur ou de commerce, avec un salaire d'embauche de  2200 euros net par mois, (cf Challenge de janvier 2010) ils sont déjà largement au dessus de la moyenne, selon le barème de l'INSEE, c'est à dire 1500 euros,  et ils sont à 800 euros du haut revenu qu'il vont atteindre naturellement après quelques années d'expérience. Magnifique, non ?

Chez les responsables politiques, François Barouin, ministre du budget, a estimé le seuil d'un haut revenu à un niveau compris entre trois et quatre fois le plafond de la sécurité sociale soit entre entre 6920 et 9240 euros environ en net, et Laurent Fabius le situe à 5000 euros. Les députés dont la rémunération tourne autour de 6500 euros par mois  avec en plus des indemnités représentatives de frais de mandat de 5838 euros une 'allocation pour les collaborateurs de 9021 euros)  dépassent largement le seuil des 1% aux très hauts revenus.(cf Marianne 21 novembre 2009).

Mais attention, il y a une différence entre les très hauts revenus et les riches que François Hollande aime si peu.  Par exemple, un collaborateur d'un grand cabinet d'avocats parisien perçoit plus de 10 000 euros par mois et les honoraires d'un associé, dépassent facilement 50 000 euros par mois. Cf Le Point  du 4 mars 2010. Alors on peut raisonnablement situer Jean-François Copé, dont la rémunération de collaborateur du cabinet Gide, avoisinent les 200 000 euros ❋ en plus de sa rémunération de député, dans la catégorie des riches. Ah que nous voilà bien représentés tout de même !

Et d'après vous, qui va être mis à contribution pour le financement des retraites ? Les hauts revenus, les très hauts revenus ou aussi les riches ?

❋ Copé l'homme pressé de Solenn de Royer et Frédéric Dumoulin, éditions L'Archipel

 


La rupture conventionnelle entre dans les moeurs

Ca y est, la possibilité pour un salarié et son employeur de se séparer par consentement mutuel, semble être de plus en plus fréquemment envisagée. Les chiffres sont éloquents : entre l'été 2008 à l'entrée en vigueur de la loi, et début 2010, ce sont plus de 240 000 salariés qui ont quitté leur entreprise via une rupture conventionnelle.

Pour mieux traduire la réalité, on devrait dire plutôt que ce sont 240 000 entreprises qui se sont séparées d'un salarié par ce moyen, car il semble que dans la grande majorité des cas c'est l'employeur qui prend l'initiative de la rupture. Il n'est donc pas faux de parler de licenciement amiable.

Voilà enfin un moyen plus serein, débarrassé de l'idée dommageable et stérile de la faute, de la culpabilité, du jugement de valeur, condition jusque là imposée par le droit du travail pour justifier un licenciement en dehors du licenciement économique. Aujourd'hui encore, des DRH, même formés dans des écoles prestigieuses, n'hésitent pas, dans un cynisme sans faille, à fabriquer une faute de toute pièce, quand ils ne parviennent pas à établir la faute du salarié concerné.

Ces licenciements douloureux  conduisent souvent les salariés dans une action aux prudhommes pour obtenir réparation au terme d'une longue procédure qui mobilise leur énergie et les empêche de tourner la page.

Alors, ce mode conventionnel de rupture permet d'aborder les  choses tout de même avec moins de tension et de se mettre d'accord, c'est à dire de négocier les conditions de départ du salarié qui pourra,  si c'est l'employeur qui a pris l'initiative, obtenir une indemnité de rupture en plus des indemnités légales et des allocations chômage, .

Si au contraire, c'est le salarié qui souhaite partir, ce sera plus difficile dans la mesure où il y a  moins de raisons de verser une indemnité quand le salarié peut démissionner. Celui-ci doit donc agir avec diplomatie et ne pas culpabiliser l'employeur, ni rentrer dans une logique de rapport de forces contre-productive.  Il peut présenter son projet en mettant en évidence, de manière neutre, factuelle, les impossibilités de la situation actuelle ou encore penser à assurer la continuité du poste, bref, proposer toute solution qui évite à l'employeur d'avoir un problème de plus à régler.


L’obsession des diplômes

Le livre du sociologue Eric Maurin sur le déclassement social en France (Seuil) confirme ce que nous pensons depuis longtemps : "l'enjeu de la compétition scolaire n'a jamais été aussi élevé, les diplômes ont pris une valeur exorbitante," nous dit-il dans l'entretien que relate le journal Le Monde du 8 octobre.

A la différence des pays anglo-saxons ou scandinaves, le diplôme est en France, déterminant pour conquérir un statut social, lui-même matérialisé par un emploi stable (CDI/fonction publique). Corollaire ou conséquence de cela, il représente le premier et principal critère des entreprises à l'embauche. Les personnes que nous accompagnons, et pas seulement les jeunes d'ailleurs, salariés ou chercheurs d'emploi, témoignent souvent de cette obsession des employeurs.

Il nous semble que le phénomène s'amplifie encore avec le recrutement sur internet. Les entreprises en effet, peuvent mettre en ligne leurs offres d'emploi en paramétrant dans les moteurs de recherche des critères de sélection de diplômes (et bien d'autres) qui produisent une discrimination systématique.

Ainsi nous explique Eric Maurin, "le chômage des diplômés du supérieur est en 2008 inférieur à 10% alors qu'il atteint 50% chez les non diplômés". Et il ajoute que l'écart n'était que de 10 points dans les années 70.

Une autre étude du Monde (30 septembre) illustre ces propos et montre que plus de la moitié des non diplômés connaissent dans les trois premières années de la vie active un chômage de 6 mois à plus d'un an contre 22% pour les Bac + 2. Au cours de ces trois premières années pour seulement 23% des jeunes non diplômés qui ont occupé au moins un emploi, il s'agissait d'un CDI. La situation n'est pas tellement meilleure pour les Bac + 2, dont 28% ont trouvé un CDI.

A l'appui de la démonstration d'Eric Maurin, Le Monde publie un sondage sur la façon dont les jeunes (15-29 ans) perçoivent leur avenir: Seulement ¼ des jeunes Français le voient comme étant prometteur contre près de 60% chez les jeunes Danois.

Nous ne savons pas quelle était l'intention du législateur en créant la VAE c'est à dire la possibilité d'obtenir un diplôme par la "Validation des Acquis de l'Expérience", mais ce dispositif unique en IT Europe, et pour cause, ouvre une porte à tous ceux qui ont bâti une expérience significative dans leur domaine sans avoir effectué des études supérieures. Nous ne saurions trop leur recommander cette démarche.


La jeunesse, une période maudite ?

Une enquête du journal Le Monde du 9 janvier dernier, sur la jeunesse danoise souligne combien cette période de la vie est synonyme de bonheur de vivre pour les jeunes alors que la vision des jeunes français est radicalement opposée.

D'un côté, on est encouragé à découvrir le monde, explorer plusieurs voies, prendre son temps avec l'idée que les expériences aussi différentes soient elles apportent une richesse et une maturité qui bénéficient aux employeurs. En France, c'est l'inverse, tout est fait pour que les jeunes soient persuadés que leuravenir se joue avant 25 ans et que la moindre erreur d'orientation va se payer toute la vie. Et dans la recherche de leur premier emploi, ils ne vont pas manquer d'aller de refus en refus et d'entendre répéter qu'il ne sont pas assez diplômés ou qu'ils n'ont pas d'expérience. Bel accueil dans la vie active ! Beau message pour la confiance en soi.

Alors que les jeunes danois vivent leur jeunesse comme une période bénie, en France tout est fait pour donner aux jeunes l'impression que la leur est maudite. Dans une étude comparative des jeunesses de 17 pays, de l'institut suédois Kairos, seuls 26% des français estiment leur avenir prometteur contre 60% des danois.

La comparaison des taux de chômage des jeunes des principaux pays européens, confirme le résultat de cette enquête : Pour les jeunes de niveau Bac, le taux de chômage pour le Danemark est de 6,2 % alors qu'il est de 12,8% pour la moyenne des 27 pays de l'Union européenne. Les Pays-Bas, l'Autriche, la République tchèque, la Bulgarie, la Slovénie, la Finlande, l'Irlande, le Royaume Uni et la Suède ont un taux inférieur à la moyenne. (Source : Le Monde du 19 mai)

Pour les jeunes sortant de l'enseignement supérieur, nous n'avons pas les chiffres du Danemark, malheureusement, et nous pouvons simplement dire que la France est tout de même en dessous de la moyenne européenne de 11,6 % avec la Belgique, l'Irlande, la République tchèque, le Royaume uni et la Suède.