L’obsession des diplômes

Le livre du sociologue Eric Maurin sur le déclassement social en France (Seuil) confirme ce que nous pensons depuis longtemps : "l'enjeu de la compétition scolaire n'a jamais été aussi élevé, les diplômes ont pris une valeur exorbitante," nous dit-il dans l'entretien que relate le journal Le Monde du 8 octobre.

A la différence des pays anglo-saxons ou scandinaves, le diplôme est en France, déterminant pour conquérir un statut social, lui-même matérialisé par un emploi stable (CDI/fonction publique). Corollaire ou conséquence de cela, il représente le premier et principal critère des entreprises à l'embauche. Les personnes que nous accompagnons, et pas seulement les jeunes d'ailleurs, salariés ou chercheurs d'emploi, témoignent souvent de cette obsession des employeurs.

Il nous semble que le phénomène s'amplifie encore avec le recrutement sur internet. Les entreprises en effet, peuvent mettre en ligne leurs offres d'emploi en paramétrant dans les moteurs de recherche des critères de sélection de diplômes (et bien d'autres) qui produisent une discrimination systématique.

Ainsi nous explique Eric Maurin, "le chômage des diplômés du supérieur est en 2008 inférieur à 10% alors qu'il atteint 50% chez les non diplômés". Et il ajoute que l'écart n'était que de 10 points dans les années 70.

Une autre étude du Monde (30 septembre) illustre ces propos et montre que plus de la moitié des non diplômés connaissent dans les trois premières années de la vie active un chômage de 6 mois à plus d'un an contre 22% pour les Bac + 2. Au cours de ces trois premières années pour seulement 23% des jeunes non diplômés qui ont occupé au moins un emploi, il s'agissait d'un CDI. La situation n'est pas tellement meilleure pour les Bac + 2, dont 28% ont trouvé un CDI.

A l'appui de la démonstration d'Eric Maurin, Le Monde publie un sondage sur la façon dont les jeunes (15-29 ans) perçoivent leur avenir: Seulement ¼ des jeunes Français le voient comme étant prometteur contre près de 60% chez les jeunes Danois.

Nous ne savons pas quelle était l'intention du législateur en créant la VAE c'est à dire la possibilité d'obtenir un diplôme par la "Validation des Acquis de l'Expérience", mais ce dispositif unique en IT Europe, et pour cause, ouvre une porte à tous ceux qui ont bâti une expérience significative dans leur domaine sans avoir effectué des études supérieures. Nous ne saurions trop leur recommander cette démarche.


La jeunesse, une période maudite ?

Une enquête du journal Le Monde du 9 janvier dernier, sur la jeunesse danoise souligne combien cette période de la vie est synonyme de bonheur de vivre pour les jeunes alors que la vision des jeunes français est radicalement opposée.

D'un côté, on est encouragé à découvrir le monde, explorer plusieurs voies, prendre son temps avec l'idée que les expériences aussi différentes soient elles apportent une richesse et une maturité qui bénéficient aux employeurs. En France, c'est l'inverse, tout est fait pour que les jeunes soient persuadés que leuravenir se joue avant 25 ans et que la moindre erreur d'orientation va se payer toute la vie. Et dans la recherche de leur premier emploi, ils ne vont pas manquer d'aller de refus en refus et d'entendre répéter qu'il ne sont pas assez diplômés ou qu'ils n'ont pas d'expérience. Bel accueil dans la vie active ! Beau message pour la confiance en soi.

Alors que les jeunes danois vivent leur jeunesse comme une période bénie, en France tout est fait pour donner aux jeunes l'impression que la leur est maudite. Dans une étude comparative des jeunesses de 17 pays, de l'institut suédois Kairos, seuls 26% des français estiment leur avenir prometteur contre 60% des danois.

La comparaison des taux de chômage des jeunes des principaux pays européens, confirme le résultat de cette enquête : Pour les jeunes de niveau Bac, le taux de chômage pour le Danemark est de 6,2 % alors qu'il est de 12,8% pour la moyenne des 27 pays de l'Union européenne. Les Pays-Bas, l'Autriche, la République tchèque, la Bulgarie, la Slovénie, la Finlande, l'Irlande, le Royaume Uni et la Suède ont un taux inférieur à la moyenne. (Source : Le Monde du 19 mai)

Pour les jeunes sortant de l'enseignement supérieur, nous n'avons pas les chiffres du Danemark, malheureusement, et nous pouvons simplement dire que la France est tout de même en dessous de la moyenne européenne de 11,6 % avec la Belgique, l'Irlande, la République tchèque, le Royaume uni et la Suède.